Comment le coronavirus responsable de la COVID-19 fait-il pour envahir notre corps aussi facilement?

Milica Radisic, professeure à la Faculté des sciences appliquées et du génie de la University of Toronto, travaille avec Axel Guenther et Edmond Young à la création de minuscules modèles du nez, de la bouche, des yeux et des poumons afin de mieux comprendre comment le coronavirus infecte les organes. (Photo de Neil Ta)

Pour qu’il soit possible de mettre au point un vaccin et des médicaments antiviraux qui seront efficaces contre la COVID-19, il faut d’abord que les scientifiques comprennent pourquoi le virus se propage si facilement et si rapidement, et pourquoi notre système immunitaire offre apparemment si peu de résistance.

Pour comprendre comment le coronavirus pénètre dans le corps et y fait des dégâts, une équipe de chercheurs de haut niveau provenant du milieu universitaire, du milieu hospitalier et du Centre de recherche et d’applications en technologies des fluides (CRAFT) – un centre de collaboration entre la University of Toronto et le Conseil national de recherches u Canada (CNRC) – adapte une approche conçue par Milica Radisic, Axel Guenther et Edmond Young de la University of Toronto pour créer de minuscules modèles du nez, de la bouche, des yeux et des poumons.

L’objectif est de comprendre comment ce virus arrive à percer aussi facilement les mécanismes de défense naturels qui protègent le corps contre les envahisseurs viraux et bactériens, c’est-à-dire les barrières épithéliales. Ces barrières, formées de cellules épithéliales entassées, sont présentes dans l’ensemble du corps.

« Normalement, ces barrières épithéliales sont efficaces et nous aident à combattre les infections », explique Mme Radisic, professeure au Département de génie chimique et de chimie appliquée de la Faculté des sciences appliquées et du génie.

« Mais ce virus a trouvé un moyen de franchir ces barrières. Notre objectif est donc de comprendre comment il s’y prend »

Ces dernières années, les travaux de Mme Radisic lui ont permis de faire d’importants progrès dans la mise au point de modèles du cœur sur des puces électroniques. Ces cœurs, fabriqués à partir de cellules humaines, reproduisent les principales fonctions d’un vrai cœur. Or, les résultats de ces travaux se sont avérés extrêmement utiles pour ce qui est de la régénération des cellules cardiaques. Mme Radisic a également utilisé ce modèle d’« organe sur puce » pour étudier comment les nanoparticules issues de la pollution atmosphérique endommagent nos organes.

Dans le contexte actuel, en créant des modèles miniatures d’autres organes humains, les chercheurs pourront avoir une vision détaillée de la façon dont le coronavirus se comporte.

« Cette méthode nous permet d’étudier le problème sans avoir à toucher à qui que ce soit et risquer de le blesser », explique Mme Radisic, qui est également titulaire de la Chaire de recherche du Canada en ingénierie tissulaire cardiovasculaire fonctionnelle.

« C’est là toute la beauté de la chose. On peut étudier le virus aux premiers stades de l’infection. On ne peut pas faire cela avec une personne parce que, quand une personne apprend qu’elle est atteinte de la COVID-19, ça veut dire qu’elle est infectée depuis deux semaines. Avec l’approche d’un "organe sur puce”, on peut étudier ce qui se passe dans le corps pendant les 24 premières heures de l’infection ».

Une grande partie du défi posé par la COVID-19 est qu’il s’agit d’une nouvelle maladie et que personne n’est à l’abri.

« Personne n’a développé les cellules T et les cellules B qui font partie de ce que nous appelons “l’immunité adaptative”, les cellules que l’on produit quand on est exposé à des maladies. Par contre, nous naissons tous avec ce que l’on appelle une “immunité innée”, qui s’active très tôt lorsqu’on est infecté par un virus. Les moyens de défense qui sont associés à cette immunité innée trouvent les éléments qui sont étrangers à notre corps et essaient de les éliminer ».

Selon Mme Radisic, en ayant un « poumon sur puce », l’équipe de recherche pourra étudier comment l’immunité innée agit aux premiers stades de l’infection par le virus responsable de la COVID-19.

Une fois que les modèles seront fabriqués avec des lignées cellulaires disponibles dans le commerce, les cellules humaines utilisées pour la fabrication des organes sur puce seront fournies par deux membres du Centre de recherche et d’applications en technologies des fluides, à savoir Tereza Martinu (pneumologie) et Ana Konvalinka (néphrologie), du Réseau universitaire de santé et de la Faculté de médecine de la University of Toronto. Le virus vivant sera fourni par Karen Mossman, chercheuse en pathologie et en médecine moléculaire à la McMaster University. Mme Mossman a participé à l’isolement du virus avec Samira Mubareka et Robert Kozak, deux scientifiques de la University of Toronto qui travaillent au Sunnybrook Health Sciences Centre.

« Karen a le virus vivant, alors nous lui donnerons les puces et elle infectera les organes dans une installation spéciale de niveau 3 », explique Mme Radisic.

Parmi les autres chercheurs du Centre de recherche et d’applications en technologies des fluides figurent Teodor Veres et ses collègues Daniel Brassard, Lidija Malic et Sue Twine, du CNRC; Axel Guenther et Edmond Young, de la Faculté des sciences appliquées et du génie de la University of Toronto; et Wolfgang Kuebler, chercheur au Keenan Research Centre for Biomedical Science de l’hôpital St. Michael’s et professeur aux départements de chirurgie et de physiologie de la University of Toronto.

Le groupe fera également des expériences avec un appareil appelé « PowerBlade », que le CNRC à Montréal utilise pour analyser le sang des astronautes qui participent à des missions spatiales. L’appareil sera modifié par l’équipe de recherche pour voir s’il pourrait être utilisé chez les personnes atteintes de la COVID-19 lorsqu’elles se présentent à l’hôpital.

« Une fois que nous aurons déterminé quelles molécules sont des biomarqueurs qui sont associés aux cas graves de COVID-19, le PowerBlade pourra les détecter sur place », explique Mme Radisic.

« Les fournisseurs de soins de santé sauront alors comment l’immunité innée réagit et si l’infection sera grave ou non. Le problème avec le coronavirus est qu’il agit rapidement. On a l’air de bien aller, puis, soudainement, tout bascule. Il est donc important de trouver des marqueurs précoces. »

Cet article a été traduit avec la permission de la This link will take you to another Web site University of Toronto.

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